Je suis née à Draveil dans le 91 dans la nuit du 21/12/1970. Il y avait une tempête de neige pour m'accueillir. Mon enfance se passe à Vigneux où je vivais avec mes parents, mon frère et ma soeur au 9ème étage d'une des tours qui depuis sont en partie détruites mais qui à l'époque étaient une fierté dans le monde de l'habitat et de l'urbanisme. Mon père me voyait mariée avec un honnête artisan, un homme capable de construire de grandes choses avec ses mains. Ma mère me rêvait secrétaire dans l'administration, "la sécurité de l'emploi" comme elle disait.
Aujourd'hui j'ai 42 ans et je me suis installée dans une autre banlieue chic du 94. Sur le chemin qui m'a menée jusque Paris et que je connais par coeur, j'ai remarqué la grisaille de ce jour. Les gens ont remis les manteaux, j'ai même vu des bonnets. Arrivée à gare du nord je suis toujours impressionnée par la densité humaine. Ils courent, ils cherchent leurs correspondances sans jamais se toucher et parfois ils se rencontrent ou se retrouvent. Rien de tel qu'une gare pour réunir tout un monde dans un microcosme. Moi j'y ai rencontré personne. Mon objectif c'est la Cité des métiers. J'ai besoin d'aspirations et d'idées pour retrouver un emploi qui corresponde à mes compétences et mes envies. Je me sens en plein paradoxe. J'ai suivi des cours de préparatrice en pharmacie (métier très sérieux pour faire plaisir et rassurer mes proches que j'ai exercé pendant dix ans) alors que je rêvais de création, d'échanges d'idées, de couleurs, de matières et de volumes.
Je me souviens du jour où un étalagiste est venu à la pharmacie pour implanter un nouveau décor pour un cosmétique dont je ne me souviens pas du nom. Pour moi cela a été une révélation. Je me suis dit "Comment ! On peut gagner sa vie en faisant un travail artistique !" À 30 ans j'ai donné ma démission pour passer un nouveau diplôme d'étalagiste décorateur à la chambre de commerce de Paris. J'ai appris les créations, les couleurs, les matières, les volumes... J'ai fait des missions mais pas assez pour remplir le frigo (ma mère avait raison!). Je suis donc repartie vers le médical et depuis je navigue entre la passion et la raison selon le marché du travail et les offres qui se présentent sans jamais vraiment choisir moi-même. J'espère trouver mon port d'attache pour poser mes bagages jusqu'à la retraite. Je laisse ce témoignage à tous les gens qui recherchent leur paradis.
Ce qui ne me quitte pas c'est mon filo. Parce que c'est le fil de ma vie qui accepte d'avoir et mes recherches d'emploi et mes idées, mes affiches de théâtre, je vais au théâtre, j'y garde tout.